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Le Monde et Nous
29 septembre 2011

Allaitement, combien de temps ?

Dans de nombreuses parties du monde, la durée d’allaitement des petits d’hommes est longue, et se compte plus souvent en années plutôt qu’en mois. Dans nos cultures occidentales, cela surprend et suscite des réactions assez variées. En effet, lorsque la durée de l’allaitement est longue (au-delà de 9 mois), il n’est pas rare d’entendre quelques réflexions au sujet de l’équilibre psychologique de l’enfant grandissant et de l’adulte qu’il deviendra. Cet allaitement long, et cette relation fusionnelle avec les seins de sa mère ne vont ils pas perturber d’une façon ou d’une autre le développement psychologique voire la sexualité de l’enfant ?

Dans nos cultures, la tendance naturelle est de penser qu’un enfant allaité longtemps sera nécessairement très dépendant de sa mère et qu’il ne sera certainement pas capable d’être sevré autrement que par une action coercitive.

breasfeedinglove

Qu’en est-il des études sur le sujet ? y a-t-il eu des essais, des suivis, afin de comparer le comportement et le développement cognitif, psycho émotionnel d’enfants ayant été allaités avec ceux d’enfants non–allaités ?

Certaines études ont montré depuis longtemps  [1]

-        que l’allaitement ne vient pas seulement en réponse à une demande de nourriture mais aussi comme moyen de soulager l’enfant en cas d’inconfort (stress, peur…)

-        par voie de conséquence, un enfant allaité, grandit dans une atmosphère de tendresse, d’amour, de confort et de protection qui lui permet de développer le sentiment très fort de sécurité face au monde qui l’entoure : il aura donc tendance à expérimenter rapidement de nouveaux gestes, et à gagner en indépendance dans la mesure où il sait que sa mère est là en cas de besoin.

Plusieurs études [2][3] [4] ont montré une corrélation forte entre allaitement et développement cognitif et psychosocial chez l’enfant. Un meilleur développement mental (sur la base de l’évaluation du QI d’enfants d’âges variant entre 6 mois et 15 ans) est corrélé à la durée de l’allaitement. L’impact a été noté à partir de 23 mois. Notons que ces études ont tenu compte des paramètres environnementaux (en particulier l’éducation de la mère) afin d’isoler le facteur « allaitement ».

Selon les auteurs, trois mécanismes expliquent cette influence. Des composants même du lait maternel sont impliqués : de longues chaînes d’acide gras polyinsaturés présents  naturellement dans le lait maternel. Ces éléments sont cruciaux pour le développement neurologique et n’entrent pas dans la composition du lait artificiel.

Mais les bénéfices pour le développement émotionnel et psychosocial s’expliquent également par le comportement de maternage qui accompagne l’allaitement et qui induit une interaction mère-enfant plus forte, bénéfique au développement cognitif et psychosocial.

Enfin, l’allaitement est fortement susceptible de limiter les problèmes d’obésité de l’enfant et de l’adolescence (régulation de la satiété dès la petite enfance). Or l’obésité pendant la petite enfance remet fortement en cause le sentiment d’estime de soi et  le développement psychosocial de façon générale.

D’autres approches sont également intéressantes puisqu’elles reposent sur l’étude des comportements de cultures tribales, de pratiques différentes. Prescott [5] [7] a réalisé de nombreuses recherches en ethno-pédiatrie, en particulier des croisements de données sur plus d’une vingtaine d’ethnies dont la durée d’allaitement des enfants était de l’ordre de 2 ans à minima. Il apparaît de façon nette qu’une majorité de ces populations ont des taux particulièrement bas voire nul de suicides.

Ce résultat qui trouve écho dans d’autres études [6], s’explique également par un double mécanisme :

- un maternage plus prononcé lors de l’acte d’allaitement

-  la présence de certains acides aminés, primordiaux pour le développement de la sérotonine dans le cerveau. (Il a été démontré que la dépression, le suicide, la violence sont associés à un déficit en sérotonine).

Ainsi, le comportement mère-enfant pendant la première année de vie, et un allaitement prolongé (autour de 2 ans) sont, sur la base des résultats de ces études, des moyens efficaces permettant de réduire la mortalité infantile, le suicide et la violence à l’adolescence et à l’âge adulte en assurant un développement émotionnel, social et sexuel optimal [7].

En conclusion, différentes études prouvent le bien fondé d’un allaitement long sur l’équilibre de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra : la relation avec la mère et le contenu même du lait agissent selon différents mécanismes dans la construction du cerveau, notamment dans les processus liés au plaisir et aux relations aux autres.

Je remercie le blog "Les Vendredis Intellos de Mme Déjantée " de m'avoir invitée à réfléchir et à fouiller ce sujet.

Pour en savoir plus :

 [1] Newton NR. “The relationship between infant feeding experience and later behavior » Journal of Pediatrics, 1951; 38 (1) : 28-40

[2] Pérez-Escamilla R., “Influence of breasfeeding on psychosocial development” Encyclopedia on Early Childhood development, 2005- http://www.child-encyclopedia.com/documents/MarquisANGxp.pdf

[3] Anderson, JW., et al., “Breastfeeding and cognitive development a meta-analyysis” 1990, American Journal of Clinical Nutrition, 1990; 70 (4) : 525-535

[4] O’Connor DL., et al., “Growth and Development In preterm infants fed long-chain polyunsaturated fatty acids : a prospective, randomized controlled trial”, Pediatrics, 2001 ; 108 : 359-371

[5] Prescott, J.W., “Breastfeeding : Brain Nutrients in Brain Development for Human Love and Peace”, 1997 ; http://www.violence.de/prescott/ttf/article.html

 [6] Lanting, D.I., et al., “Neurological differences between 9-year old children fed breast-milk of formula-milk as babies”, Lancet, 1994 ; Nov : 1319-1322

[7] Prescott, J.W., “The Origins of Love”, Byronchild Magazine, 2004 ; Vol 9

 

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1 septembre 2011

Allaitement maternel : nourrir les bébés, oui mais encore ?

Sur ce blog même, il y a quelques temps déjà, une série d’articles consacrés à l’allaitement maternel a démarré (voir ICI et LA).

Comme nous l’avons présenté dans le volet précédent, le lait maternel est l’aliment le mieux adapté à la capacité d’assimilation du petit d’homme et ce, dès sa naissance. Mais ses avantages ne s’arrêtent pas là car de nombreuses études viennent chaque jour, apporter de nouveaux éléments sur ses nombreuses qualités. En effet, le lait maternel n’est pas qu’une nourriture, c’est également une source de réconfort qui procure un effet apaisant en cas de douleur (en particulier liée à une vaccination ou à une ponction veineuse). Cet effet a pu être mesuré quantitativement via quelques études.

Aujourd’hui, nous nous proposons de présenter les résultats de plusieurs d’entre elles datant de 2004, 2009 et 2010. Ce billet s’inscrit dans le cadre d’une participation aux rendez-vous hebdomadaires des Vendredis Intellos, blog collectif qui nous propose des sujets de réflexion sur le thème de la maternité, la petite enfance, l'éducation...j’y ai été invitée afin d’apporter quelques éclaircissements face aux interrogations de la prise en charge de la douleur via l’allaitement (ICI)

bbdouleur
Source ICI

L’étude de 2004 [1], a mis en jeu 81 nouveaux nés de New-Dehli (âgés au maximum de 4 semaines) devant subir une ponction veineuse en vue d’une analyse sanguine. Parmi ces bébés, 50 % ont reçu 5 ml de lait maternel exprimé (quelques minutes avant la piqûre) tandis que le reste du groupe n’a reçu qu’un placébo. L’expérience s’est faite en double aveugle. Il s’est avéré que la durée moyenne des pleurs était significativement plus faible dans le premier groupe que dans celui ayant reçu un placébo (valeurs médianes respectivement de 38 s et 90 s).

Des différences significatives ont également été notées au niveau du rythme cardiaque et de la saturation en oxygène des enfants : paramètres qui d’une part ont été beaucoup moins modifiés lors de l’intervention et d’autre part sont revenus plus rapidement à leur niveau initial.

 L’étude de 2009 [2] a été réalisée sur deux maternités (ou cendres de soins de la petite enfance) à Philadelphie. Deux groupes de 60 enfants ont été vaccinés et leur comportement et réactions  lors de l’injection ont été observés. Les enfants du 1er groupe sont restés en contact « peau à peau » avec leur mère et étaient allaités pendant la vaccination. Les conditions de vaccination pour le second groupe correspondaient au protocole classique en place dans la maternité ou le centre de soins (donc sans allaitement et sans contact proche). Les conclusions  de l’étude ont révélé que la durée des pleurs ainsi que le rythme cardiaque étaient significativement plus faibles (pendant l’injection et juste après) dans le groupe d’étude que dans le groupe témoin.

Dans cette seconde étude, le type de pleurs a également été étudié comme indicateur de la douleur (distinction entre « pleur de cri », « pleur isolé » et « pleur de fin »). Il s’est avéré que le temps passé en « pleur de cri » (associé au maximum d’intensité de la douleur) était de 17% en moyenne pour les enfants du groupe d’étude contre 65% dans le groupe témoin. Les auteurs concluent sur le rôle analgésique de l’allaitement en peau à peau.

vaccin
Source ICI

 L’étude parue en 2010 [3] dans le Journal « Pediatrics » montre  l’impact de l’allaitement sur le risque de fièvre post-vaccination, un des effets indésirables les plus fréquents induits par la vaccination. L’étude a porté sur l’observation de 450 enfants, tous en bonne santé et n’ayant pas présenté de fièvre pendant la semaine précédent la vaccination. La fièvre a été définie comme une température supérieure à 38 °C. Le bilan de cette observation est que 53% des enfants non allaités ont présenté une fièvre dans les 3 jours, contre 25% des enfants exclusivement allaités. Les auteurs expliquent ce résultat par des facteurs anti-inflammatoires présents dans le lait maternel.

Pourquoi les résultats de ces études sur l’impact de l’allaitement sur la douleur et l’inconfort du nourrisson sont elles importantes? Parce que la réduction de la douleur dans les pratiques des soins  infirmiers reste une priorité, notamment chez le tout-petit et que des études ont montré que nombre d’enfants gardaient en mémoire tout acte douloureux et stressant ce qui conditionnait leurs réactions lors d’interventions futures. De plus, il est facile et pratique de favoriser cette interaction mère enfant (contact et allaitement) pendant des soins infirmiers afin de réduire douleur et stress.

En conclusion, les chiffres présentés par le biais de ces 3 études parlent d’eux-mêmes : le lait maternel procure bel et bien un effet apaisant en cas de douleur de l’enfant. Néanmoins, les auteurs reconnaissent que peu de choses sont connues sur les mécanismes mis en jeu. Attendons patiemment de nouvelles études qui ne tarderont pas à arriver. Comptez sur moi pour être vigilante.

Pour en savoir plus

[1] Upadhyay A. et al., Acta Paediatr., 2004, April, 93(4), « Analgesic effect of expressed breast milk in procedural pain in term neonates : a randomized, placebo-controlled, double-blind trial

 [2] Razek A A., El-Dein, N., International Journal of Nursing Practice, 2009; 15, “ Effect of breast-feeding on pain relief during infant immunization injections”

 [3] Pisacane A., Continisio P., Palma O., et al., Pediatrics, 2010 ; 125 (6), « Breastfeeding and risk for fever after immunization »

 LEs dossiers de l'allaitement, revue de LLL France pour les professionnels de santé, N°87 Avril Mai Juin 2011

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